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Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/210

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S’ils l’avaient prêté, eussent-ils été molestés par les sauvages, à l’instigation des Français ? Nous l’ignorons, ou plutôt nous ne le pensons pas. Les Français avaient indubitablement tout intérêt à laisser se continuer la neutralité acadienne ; ils agirent de façon à faire croire à leurs anciens compatriotes que, s’ils prêtaient ce serment, ils seraient harcelés par les sauvages ; mais nous restons convaincu qu’une fois ce serment prêté, les Acadiens n’eussent été troublés ni par les Français, ni par les sauvages, aussi longtemps du moins qu’ils n’eussent pas été forcés de prendre les armes contre eux. Car, de ce moment, ils eussent été tout aussi exposés aux attaques des Indiens que les colons anglais eux-mêmes ; et alors, ainsi que s’exprime Hopson, « comme ils demeurent sur des fermes éloignées les unes des autres, et que par conséquent ils sont dans l’impossibilité d’opposer de la résistance à un ennemi », leur position n’eût plus été tenable. Les Acadiens devaient être les meilleurs juges des probabilités à cet égard, puisqu’ils délibéraient sous le coup d’un intérêt actuel de la plus haute importance, et qu’ils s’appuyaient d’ailleurs sur une longue expérience du caractère de ces sauvages. Hopson semble apprécier la valeur de leurs raisons ; à l’inverse de Cornwallis et de Lawrence, il n’avait qu’à céder à la délicatesse de ses sentiments, au mouvement de son âme compatissante et sympathique, pour entrer dans leurs vues.

Les délibérations dont il nous parle ici ne nous étonnent pas. Elles atténuent peut-être l’héroïsme que nous prêtions aux Acadiens, puisqu’ils étaient prêts à laisser la question de leurs intérêts l’emporter sur leurs sentiments. Mais il leur reste encore assez de mérite pour que le souvenir en soit cher à leurs fils. Il est des sacrifices tels qu’ils dépassent les forces de la nature ; et l’hésitation des Acadiens,