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Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/320

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fournir des prétextes de sévir contre eux. Ils sentaient vaguement que dans l’ombre se tramaient des complots contre leur existence ; ils voyaient avec effroi que la main de fer qui pesait sur eux resserrait de jour en jour les anneaux de la chaîne destinée à les envelopper et à les broyer. De quelque côté qu’ils jetassent leurs regards, ils apercevaient partout les signes d’un malheur prochain, inévitable de toute façon, — qu’ils opposassent de la résistance ou qu’ils fissent leur soumission, qu’ils refusassent ou prêtassent le serment. Sous Cornwallis et Hopson, ils avaient au moins pu espérer que, s’ils prêtaient ce serment, l’on ne s’en prévaudrait pas pour les forcer à prendre les armes contre les Français ; avec Lawrence, ils ne pouvaient rien espérer de tel ; au contraire, ce dernier en profiterait, devaient-ils penser, pour les river au sol et pour chasser leurs prêtres. Acculés dans cette impasse, ils crurent que le plus sûr moyen de retarder le malheur qui les menaçait, ou de l’amoindrir, serait la soumission complète ; et, soit entente formelle, ce qui ne nous étonnerait pas, soit sentiment commun éclos des circonstances, tous leurs actes furent dans le sens de la plus entière soumission. Après tout, devaient-ils se dire, ce qui pourrait nous arriver de plus grave serait l’ordre de quitter le pays, sans rien emporter de nos biens. Cette alternative, si pénible qu’elle soit, nous l’avons déjà envisagée et acceptée ; nous l’accepterions encore, s’il le fallait. — Hélas ! dans leur droiture et leur simplicité, ils n’avaient probablement pas soupçonné qu’il restait une autre solution, terrible celle-là, — laquelle ne se présenterait pas sous forme d’alternative et ne leur laisserait pas d’issue possible.

Vers le six de juin, c’est-à-dire durant le siège de Beauséjour, Lawrence exécuta le projet suivant : Cent hommes