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Page:Richard - Acadie, reconstitution d'un chapitre perdu de l'histoire d'Amérique, Tome 2, 1916.djvu/395

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Ne fût-ce que pour briser la sèche monotonie des documents officiels, toujours rédigés avec soin par les intéressés, dans le but de se préparer une défense, nous laisserons raconter ces derniers événements par l’abbé Daudin, qui devait alors se trouver prisonnier à Halifax[1] :

« Depuis le mois d’octobre 1754, le gouvernement anglais a fait entrevoir aux habitants de l’Acadie en la Nouvelle-Écosse une conduite bien différente de celle qu’on avait tenue envers eux jusqu’alors, ce qui donne occasion aux dits habitants de soupçonner quelque chose de sinistre, et en effet ils ne se sont point trompés ; on ne répondait plus à leur requête, on ne leur rendait plus de justice ; pour un oui ou pour un non, la prison servait de réponse, on ne parlait aux habitants que pour leur annoncer leur désastre futur et prochain ; on leur disait qu’on les ferait esclaves, qu’on les disperserait comme les Irlandais ; bref, tout leur annonçait la destruction de leur nation ; on ne parlait que de brûler les maisons et de ravager les campagnes. Cependant les habitants ne se sont point découragés, et ont cultivé mieux que jamais leurs terres ; les plus abondantes moissons qu’on ait jamais vues dans le pays le prouvent assez ; ils ont eu seule-

  1. Ce document a été reproduit pour la première fois pas Casgrain, {Pèlerinage etc., ch. IV, p. 102 et seq.) qui le fait précéder de ceci : « Je laisse maintenant l’abbé Daudin, curé d’Annapolis, raconter lui-même les événements qui précédèrent la déportation. Ce récit, extrêmement curieux, est extrait d’un manuscrit tout à fait inconnu, provenant de la bibliothèque de M. de Malesherbes, et appartenant aujourd’hui à M. le marquis de Bassano, qui a bien voulu le mettre à ma disposition. Je le reproduis presque en entier, à cause de son originalité, quoiqu’il renferme quelques répétitions de ce qui précède. »

    Le MS. original — fol. 553 — ne contient aucune indication au sujet de la provenance de cette pièce, et y fait des coupures ou y apporte quelques variantes. Nous suivons intégralement le texte tel que donné dans Casgrain.