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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/206

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Histoire

action. Hélas ! repris-je, j’ose… j’ose le croire encore. Que la pitié vous parle pour moi, Mme. Vous paroissez une Mere ; ces jeunes personnes sont apparemment vos filles. Sauvez-moi, je vous en conjure ! Sauvez-moi, Mme, comme vous sauveriez vos filles !

Elle me dit que ces deux jeunes filles étoient les siennes ; qu’elles étoient sages & modestes, & qu’on ne me vouloit aucun mal ; mais qu’un homme des plus riches & des mieux nés d’Angleterre mouroit d’amour pour moi, & qu’il n’avoit en vue qu’un mariage honorable. Vous n’êtes point engagée, ajouta-t-elle, vous serez sa femme. Consentez-y, si vous voulez prévenir des meurtres ; car il promet la mort à tous ceux que vous seriez tentée de préférer à lui. Ha ! m’écriai-je aussi-tôt, ce doit être une lâche invention de Sir Hargrave Pollexfen. C’est lui, n’est-ce pas ? c’est lui. De grace, dites-le-moi. Je vous supplie de me le dire. Je me levai alors, pour m’asseoir sur le bord du lit ; & dans le moment je vis entrer le misérable Sir Hargrave.

Je poussai un grand cri. Il se jeta brusquement à mes pieds. Ma tête se pancha d’elle-même sur le sein de la vieille Dame, qui eut beaucoup de peine à soutenir mes esprits avec de l’eau & des sels ; s’il ne s’étoit pas retiré, s’il eût continué de demeurer devant mes yeux, il est certain que je me serois évanouie. Mais, ayant levé la tête, & n’appercevant plus que les trois femmes, je