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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/214

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Histoire

qu’à l’affreux trouble de mon esprit. On me tenoit la main avec une force qui la rendoit immobile. Je m’agitois inutilement, & l’haleine me manquoit pour crier. Ce seul récit me suffoque encore. Permettez que je respire pendant quelques minutes.

J’étois dans une véritable frénésie. Arrêtez ! m’écriai-je enfin ; cessez de lire… & parvenant à dégager ma main, je saisis le livre du Ministre, que j’arrachai heureusement des siennes. Pardon, Monsieur, lui dis-je. Vous n’acheverez pas votre horrible entreprise. Je suis trahie avec la plus indigne lâcheté. Je ne puis, je ne veux jamais être à lui.

Poursuivez, poursuivez, lui dit Sir Hargrave, en reprenant ma main avec la derniere violence. Toute emportée qu’elle est, je la reconnoîtrai pour ma femme. Quel changement, Mademoiselle ! en me regardant d’un air moqueur. Êtes-vous la douce, la civile Miss Byron ?

Hélas ! chere Lucie, ce n’étoit point emportement ; c’étoit aliénation d’esprit, égarement de raison. Heureuse néanmoins, d’être tombée dans un état qui me garantit de l’évanouissement, puisque le misérable avoit protesté que l’évanouissement ne me sauveroit pas ! Poursuivez, poursuivez, reprit-il encore ; & le Ministre recommença la formule. Je l’interrompis par des reproches sur l’horrible abus qu’il faisoit du