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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/223

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du Chev. Grandisson.

principal Agent. Mais la Fille aînée appela sa Sœur, & Sir Hargrave parut aussi-tôt.

Il prit une chaise, sur laquelle il s’assit fort près de moi, une jambe passée sur le genou de l’autre, le coude appuyé sur le même genou, & la tête assez panchée pour être soutenue par sa main. Il n’ouvrit point la bouche, mais il se mordoit les levres. Il me regardoit un moment. Ensuite il jettoit les yeux d’un autre côté. Il les ramenoit sur moi, & ce jeu fut recommencé cinq ou six fois, comme s’il eût roulé quelque idée maligne. Odieux Personnage ! dis-je en moi-même ! tremblant de cet étrange silence, & m’attendant à quelque nouvelle scene. À la fin je me déterminai à lui parler, avec autant de douceur qu’il me seroit possible, dans la crainte de m’attirer d’autres insultes.

Hé bien, Monsieur, avez-vous porté la violence assez loin, contre une Fille qui ne vous a fait & qui n’a jamais pensé à vous faire aucun mal ? Je m’arrêtai. Il ne me répondit point.

Quels tourmens n’avez-vous pas causés à Mr & Mme Reves ! Mon cœur en saigne pour eux. Je m’arrêtai encore. Il demeura dans le même silence.

Je me flatte, Monsieur, que vous avez quelque regret des peines que vous m’avez fait souffrir, & de celles que vous avez causées à mes amis. Je me flatte, Monsieur…

Il m’interrompit par un affreux jurement. Je fermai la bouche, dans l’idée qu’il con-