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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/274

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Histoire

plonger un poignard dans le sein, & prendre mon sang pour satisfaction, je n’hésite point un moment.

D’un autre côté, M. Reves juge que Sir Charles ne se réduira point aisément à des excuses. Comment puis-je douter, ai-je répondu, que si le détestable Hargrave se laisse engager par son Bagenhall, à composer au prix qu’on exige de moi, il ne renonce facilement à toute autre prétention, pour faire tomber sur lui toute sa vengeance, lorsque j’aurai le malheur d’être à lui ? N’est-il pas artificieux, méchant, vindicatif ? Mais loin, loin la pensée d’attacher jamais mon sort au sien… Cependant quelle est l’alternative ? Ma mort même y mettroit-elle du changement ? & sa haine pour le meilleur de tous les hommes n’en seroit-elle pas plus implacable ? Ô Lucie ! Quelque peinture que je vous aie tracée de mes peines, de mes craintes, & du cruel traitement que j’ai reçu de ce Monstre, jamais je n’ai ressenti ce qui se passe actuellement dans mon cœur.

Mais si Miss Grandisson me conseille, me presse d’accepter une condition qui me fait horreur, puis-je lui refuser mon consentement ? N’est-elle pas en droit de me demander cet effort, pour la sureté d’un Frere innocent ? Et ne nous a-t-on pas appris que ce monde est un lieu d’épreuve & de mortification ? Et le malheur n’est-il pas nécessaire pour nous détacher de ses vanités ? Et s’il n’entre dans mes motifs que de la justice &