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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/299

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du Chev. Grandisson.

forces, & que, rejettant l’un, ou congédiant l’autre, elle se croyoit hors des atteintes du petit Dieu, devant lequel il faut, tôt ou tard, que les femmes viennent courber la tête ; je ne l’ai point épargnée : mais aujourd’hui que je la vois abymée dans une passion sérieuse, & qu’elle a tant de choses à dire pour son excuse, & que nous n’avons peut-être pour nous que l’espérance, pendant que le triomphe est du côté de Sir Charles, son état, s’il est tel que je me l’imagine, m’inspire trop de compassion pour me permettre de la chagriner par mes railleries, sur-tout après tout ce qu’elle a souffert de ce vil Hargrave.

Mille endroits de vos Lettres, ma chere, nous ont ouvert les yeux sur votre inclination. Dans un commencement d’amour, les jeunes personnes s’efforcent toujours de se déguiser leur propre situation. Elles voudroient étouffer le feu avant que d’appeller au secours ; mais cet effort même est un souffle qui lui fait jetter des flammes. Elles cherchent des noms pour leurs sentimens, tels, par exemple, que la reconnoissance. Mais apprenez, chere Henriette, qu’une reconnoissance aussi justement fondée que la vôtre, n’est qu’un nom d’emprunt pour l’Amour. Le mérite de l’objet, l’excellence de votre cœur, la conformité des caracteres, doivent amener l’amour d’un côté, peut-être des deux, si cette multitude de femmes dont on vous a parlé, n’ont que des