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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 1, 1763.djvu/368

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Histoire

Sœur aînée : que les premiers venus l’emportent, je suis capable de patience ; mais je ne veux pas qu’une Sœur plus jeune que moi vienne tout d’un coup me supplanter.

Que signifie ce langage, ai-je dit en moi-même ? Et j’ai rougi comme une folle, sur-tout en voyant ses yeux attachés sur les miens, comme s’ils eussent voulu pénétrer dans mon cœur. Une palpitation, qui ne faisoit qu’augmenter, m’a fait paroître aussi embarrassée que si j’avois cru son reproche fort sérieux. Quelle est donc ma situation, chere Lucie ?

Charlotte, a dit Mylady L… en souriant, pourquoi jeter notre charmante Sœur dans cet embarras ? Et s’adressant à moi : ma chere, ne faites point d’attention à ses discours, avec le tems, vous la connoîtrez.

Ne vous tairez-vous pas, lui a dit Miss Grandisson ? comptez que j’aurai son secret.

Eh quel secret, leur ai-je demandé ? Ô Miss Grandisson ! quel plaisir prenez-vous à m’alarmer ?

Fort bien, fort bien, m’a-t-elle répondu : j’examinerai toutes ces agitations dans un autre tems. J’ai battu quelquefois le buisson pour un liévre, & j’en ai fait sortir deux. Mais je ne parle ici que d’un Écrit ou d’une Lettre : mon Frere l’a nommé un Écrit, qui lui a été remis bien cacheté, dont il a récompensé le Porteur, & qu’il s’est hâté de vous envoyer, ma chere Henriette, sans l’avoir