Aller au contenu

Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
101
du Chev. Grandisson.

Je jugeai que notre conversation ayant pris un autre tour, la Marquise ne seroit pas fâchée de sortir du Cabinet. Il me fut aisé d’aider à son passage. Elle s’avança vers nous, les yeux humides de pleurs. Ah ! Madame, lui dit Clémentine, je sors d’une vive dispute avec le Chevalier : & s’approchant de son oreille, je ne désespére pas, Madame, qu’il ne puisse être convaincu. Il a le cœur tendre. Mais, silence, ajouta-t-elle en se mettant le doigt sur la bouche. Ensuite, élevant la voix, elle voulut parler de l’Écrit qu’elle avoit relu ; mais sa Mere craignit, apparemment, que ce ne fût trop de faveur pour moi ; & c’est la premiere fois que j’ai cru voir son inclination refroidie pour l’alliance. Elle s’empressa de l’interrompre. Mon amour, lui dit-elle, c’est une matiere que nous traiterons entre nous. Elle sonna. Camille parut & reçut ordre de demeurer avec Clémentine.

La Marquise sortit, en m’invitant à la suivre. À peine fûmes-nous dans la chambre voisine, que tournant la tête vers moi, Ah ! Chevalier, me dit-elle, comment avez-vous pu résister à cette Scene. Vous n’avez point pour ma fille tout l’attachement qu’elle mérite. Votre cœur est noble, généreux ; mais vous êtes d’une opiniâtreté invincible.

Quoi ! Madame, je passe à vos yeux pour un ingrat ? Que ce reproche augmente mes tourmens ! Mais ai-je donc perdu votre faveur & votre protection ? C’étoit sur vous,