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Page:Richardson - Histoire du chevalier Grundisson, Tome 3, 1763.djvu/84

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Histoire

Mon inquiétude & mon chagrin sont extrêmes, cher Grandisson, de voir un homme aussi brave, aussi généreux que mon Frere, dans des transports de passion où je ne le connois plus. C’est sans doute votre grandeur d’ame ordinaire, qui vous fait préférer votre Religion à tous les avantages de l’amour & de la fortune. Pour moi, je vous crois fort affligé. Si vous ne l’étiez pas infiniment, vous ne seriez pas assez sensible au mérite d’une excellente Fille, & votre ingratitude seroit extrême pour la distinction dont elle vous honore. Je suis sûr que vous ne condamnez point ces expressions, & que vous me croyez en droit de penser qu’elle fait honneur à mon cher Grandisson même. Mais si cette affaire avoit de malheureuses suites, quelle source de regrets pour notre Famille, que l’un des deux Freres vînt à périr par la même main qui a sauvé l’autre, ou que vous, à qui elle doit la vie du plus jeune, vous la perdissiez par la main de l’aîné ! Fasse le Ciel que vous ayez tous deux plus de modération ! Mais permettez que je vous demande une faveur, c’est celle de vous retirer à Florence, du moins pour quelques jours.

Qu’il est malheureux pour moi de me voir dans l’impuissance de donner plus de force à ma médiation ! Cependant le Général vous admire. Mais comment le blâmer d’un zele dans lequel il voudroit, pour sa vie, que votre honneur fût compris comme le nôtre !