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Page:Richepin - Mes paradis, 1894, 2e mille.djvu/362

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MES PARADIS


Je me suis fait, moi-même ainsi me recréant,
Le monstre au cœur muet, aux entrailles vidées,
Qui mange son cerveau dans son crâne béant,

Et qui n’est plus que deux prunelles décidées
À se geler d’horreur en ce palais du froid
Où l’Abstrait sans figure a pour corps les idées.

Dès l’entrée, aussitôt franchi le seuil étroit,
Toute couleur s’éteint, et, seule survivante,
Ce n’est qu’une blancheur dont la blancheur s’accroît.

Car de chaque blancheur se blanchit la suivante,
Et de toutes se tisse un linceul de reflets
Dans lequel on se sent mort et blanc d’épouvante.

Et cependant sois brave, ô frère, et dompte-les,
Ces affres de blancheur dont l’épreuve première
N’est rien près des blancheurs au faîte du palais.

Viens ! Ta vue y prendra la force coutumière
De contempler bientôt, face à face, à pleins yeux,
L’absolu blanc du faîte aveuglant de lumière.