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Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/120

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si près de la pensée ; et, par une conséquence nécessaire, nulle part on n’a appris tant de choses en apprenant à lire. Quand nos enfants ont retenu la forme de ces éléments qui, chez nous, représentent les articulations et les variations de la voix, ils sont en état de répéter les mots de nos idiomes sans y attacher aucun sens ; ils savent ce que peut savoir un perroquet, parler sans penser, articuler un mot sans avoir dans l’esprit aucune idée. À la Chine, tout signe retenu par la mémoire indique une acquisition faite par l’intelligence. Si c’est le nom d’un être naturel, l’enfant qui l’a appris sait quelque chose de la figure extérieure de cet être, ou de ses habitudes, ou de ses propriétés ; si c’est un objet d’art, il a quelques notions de son utilité ; si c’est un terme qui rappelle un sentiment, un devoir, un usage, son attention est reportée par la composition même du signe sur quelque point de doctrine morale, sur quelque principe social, sur quelque tradition antique. Si on lui explique le mot qui signifie « enseignement », on lui fait remarquer que ce mot est formé de deux parties. L’une est un vieillard au-dessus d’un fils, pour signifier « obéissance filiale » ; l’autre veut dire « animer, mettre en mouvement, donner de faction » : l’instruction apprend à mettre en pratique les inspirations de la piété filiale. Si l’on rencontre le caractère qui exprime la « colère », on fait observer à l’élève que le signe du « cœur » y est surmonté du mot « esclave ». Deux perles d’égale grosseur désigneront un « ami ». Il est si difficile de rencontrer des perles qui soient parfaitement appareillées ! Une femme tenant la main au-dessus d’un balai forme le titre des « femmes mariées » et les rappelle aux soins du ménage. Les prémices d’un champ placées sous l’image d’un édifice représentent un « temple ». Une touffe de poils à l’extrémité d’un manche figure un « pinceau » ; avec une bouche où la langue se montre, ce caractère désigne un « livre », la parole peinte. Croit-on qu’un enfant qui a appris deux ou trois mille signes de cette espèce, et à qui on a tâché d’en faire