Aller au contenu

Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

compagnons, nous allons donner l’explication de ce singulier événement. L’Empire était sur le penchant de sa ruine ; d’indignes souverains, s’abandonnant a toutes leurs passions, avaient épuisé le trésor public et démoralisé la nation. L’un d’eux, racontent les historiens du temps, fit creuser un grand bassin en forme d’étang, et après l’avoir fait remplir de vin, il ordonna à trois mille de ses sujets de s’y jeter. Des tranches énormes de viandes rôties étaient, suspendues autour du bassin pour satisfaire leur faim brutale. L’Empereur, assis sur son trône, regardait en riant ce spectacle hideux de trois mille misérables plongés dans l’ivresse la plus ignoble, et dont la plupart se noyèrent. Les vices des souverains avaient corrompu les hautes classes de la société, et les ministres, pour flatter leurs maîtres, se livraient à tous les excès. Le peuple, qui souffrait en silence, avait, repris espoir en voyant monter sur le trône un honnête homme. Le nouvel empereur était animé des meilleures intentions ; mais n’ayant personne autour de lui pour le seconder, il déplorait des maux qu’il ne pouvait soulager. Pendant une nuit d’insomnie, il crut voir en songe la figure d’un homme que le ciel lui désignait pour être son premier ministre. À son réveil, il fit dessiner plusieurs portraits de cet homme et ordonna de le chercher dans tout le royaume. Or, ce futur premier ministre n’était autre que le pauvre pêcheur de Sou-Tcheou qui, après plusieurs mois de recherches, avait été découvert par les mandarins.

Arrivé au palais, Lieou fut introduit, avec un grand cérémonial devant l’Empereur qui l’accueillit avec toutes les marques de la joie la plus vive :

« C’est vous, lui dit-il, que le ciel a choisi pour m’aider de vos sages leçons. Ne me flattez pas, ne m’épargnez point sur mes défauts ; faites en sorte que je puisse acquérir les vertus des grands empereurs, et rappeler dans ces jours infortunés la modération, la