Aller au contenu

Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

concussions n’étaient malheureusement que trop réelles ; mais les liens du sang, ajoutait-il, l’ont emporté sur le devoir. Kia-tan, malgré ses dénégations, fut traduit devant le tribunal des châtiments ou des peines ; il se défendit avec un ton de conviction qui émut les juges, mais les preuves les plus accablantes pesaient sur le malheureux. Le véritable coupable, Wang-po, avait pris ses mesures avec tant, d’adresse, il avait corrompu un si grand nombre de témoins, que tout se réunit pour établir la culpabilité de son frère. Celui-ci, qui n’avait pas même à se reprocher de la négligence dans ses fonctions, ne tarda pas à découvrir la vérité et vit avec douleur d’où partait le coup qui le frappait si cruellement. Il pouvait parler, et peut-être se fut-il sauvé, mais il fallait perdre son frère ; il lui pardonna encore une fois.

Kia-tan, déclaré coupable de concussion et de dilapidation dans les fonds de l’État, fut condamné à mort ; il entendit son arrêt avec sa résignation habituelle ; la vie lui était désormais à charge. Mais Wang-po, satisfait d’avoir échappé aux poursuites qui pouvaient l’atteindre, recula devant un nouveau crime, et n’osa pas se faire le meurtrier de son frère. Il affecta un violent désespoir, et pendant une audience de l’Empereur, il se jeta aux pieds du prince et implora sa clémence :

— Votre Majesté, dit-il, m’a comblé de faveurs ; je viens solliciter encore une grâce de son inépuisable générosité, Mon malheureux frère, entraîné par son goût pour le plaisir, a oublié ses devoirs ; il a follement dépensé l’argent destiné aux services publics ; il est coupable, il doit être puni. Mais l’Empereur m’obligera-t-il à signer l’arrêt de mort de mon frère ? C’est moi qui l’ai fait nommer aux fonctions de trésorier général. J’ai eu grand tort, sans doute, de ne pas surveiller sa conduite ; mais Votre Majesté, qui m’a pardonné, voudra bien ne pas exercer contre Kia-tan toute la rigueur des lois. Je le lui demande, en pleu-