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Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/224

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de gens bien armés enveloppa son cortège. Ses gardes furent tués ou mis en fuite, et il se trouva exposé sans défense à la fureur des assassins, qui l’entouraient en criant :

— Mort au tyran ! depuis trop longtemps il nous opprime et nous dépouille. — L’Empereur, abusé, repousse nos réclamations ; eh bien ! faisons-nous justice nous-mêmes !

Wang-po, car c’était lui que menaçait cette multitude furieuse, se défendit avec courage ; mais il était blessé, et il allait succomber sous le nombre, quand un homme, couvert de haillons, la barbe inculte et le visage flétri par la misère, sortit tout à coup d’un épais taillis, et se précipitant devant le gouverneur, repoussa ceux de ses ennemis qui le pressaient de plus près :

— Misérables ! s’écria-t-il d’une voix menaçante, vous me tuerez avant d’arriver à mon frère.

Les assaillants, d’abord déconcertés par l’apparition de ce nouvel adversaire, revinrent à la charge, et le renversèrent d’un coup mortel. Wang-po allait éprouver le même sort, lorsque des troupes arrivèrent et mirent en fuite les insurgés. On releva le pauvre mendiant, et quel ne fut pas l’étonnement de tous en reconnaissant Kia-tan ! Il rouvrit ses yeux obscurcis par l’approche de la mort, et s’adressant à Wang-po :

— Tout était fini entre nous, dit-il, mais à peine le temps de mon exil terminé, je n’ai pu résister au bonheur de revoir la patrie. J’allais prier sur la tombe de nos parents, lorsque, entendant des cris et le cliquetis des armes, j’accourus aussitôt. J’ai été assez heureux pour te sauver, je meurs content. Frère, voilà comme je me venge.

Wang-po était abîmé dans la plus profonde douleur ; des larmes s’échappèrent de ses yeux, et il porta à sa bouche la main de son frère expirant.

Les funérailles de Kia-tan eurent lieu avec une grande pompe,