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Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/45

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avec excès, suffisent pour donner à la face une pâleur maladive, et aux yeux un air hagard ; en quelques mois et même en quelques semaines, l’homme fort et bien portant sera changé en une créature idiote qui ne vaudra guère mieux qu’un squelette. La langue n’a pas de mots pour exprimer l’angoisse que souffrent ces malheureux, si, après une longue habitude, on veut les priver de ce poison ; et c’est seulement lorsqu’ils sont jusqu’à un certain degré sous son influence, que leurs facultés vitales semblent se réveiller. À neuf heures du soir, et dans les maisons vouées à leur ruine, on peut voir ces tristes victimes plongées dans tous les états qui résultent de l’ivresse de l’opium. Les uns entrent à moitié fous, ils viennent satisfaire le terrible appétit qu’ils ont du vaincre à si grande peine pendant le jour ; les autres, encore sous l’effet d’une première pipe, rient et parlent sans raison, tandis que sur les canapés voisins gisent d’autres malheureux immobiles et languissants, avec un sourire hébété sur la face, trop accablés par l’effet du poison pour faire attention à ce qui se passe autour d’eux, absorbés complètement dans leur affreuse volupté. La dernière scène de cette tragédie s’accomplit ordinairement dans une pièce écartée de la maison, une véritable chambre des morts, où sont étendus, roides comme des cadavres, ceux qui sont arrivés à cet état d’extase que le fumeur d’opium recherche follement ; image du long sommeil où son aveugle folie le précipitera bientôt. »

Certes on comprend, après cette peinture hideuse, que le gouvernement impérial s’oppose au commerce de l’opium ; mais une autre raison, c’est que pour satisfaire leur passion, les Chinois donneraient jusqu’à leur dernière pièce d’argent, et qu’ainsi disparaissent de l’Empire les métaux précieux qui n’y sont pas en grande quantité. La métallurgie est peu avancée dans ce pays ; les mines n’y sont pas exploitées avec avantage. D’un autre côté, les Anglais qui ne nient pas les funestes résultats de l’opium, mais qui préten-