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Page:Robert - Les Mendiants de Paris, 1872.djvu/127

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LES MENDIANTS DE PARIS

mais il n’y était jamais venu ; et c’était dans un tel moment qu’il voyait ce lieu consacré pour lui ! En contemplant cette chambre de Marie, il y avait dans son âme une émanation si douce et un si profond déchirement, que le sentiment agité et violent, délicieux et désespéré qui régnait en lui ne peut se rendre.

En touchant avec amour, en baisant tous les objets qui avaient appartenu à Marie, l’attendrissement déborda dans son sein ; et cet homme si fort, si énergique, fondit en larmes.

— Pauvre ! pauvre petite !… disait-il. Tenez, voilà sa corbeille d’ouvragé, son chapeau de paille, son petit miroir… Mon Dieu ! mon Dieu ! elle était si belle !… Dans cette armoire, une robe neuve, un bonnet garni de fleurs blanches, préparé pour sa noce. Elle ne m’en parlait pas… elle y pensait bien cependant… préparé pour sa noce… Ô mon Dieu ! est-ce assez souffrir !

Il voyait aussi là des objets de piété.

— Voilà son Christ, disait-il en le baisant, son livre d’Heures… sa couronne conservée du mois de Marie… son rameau bénit… Il est flétri aussi ! Ah ! les plantes choisies par ; Dieu, les plantes bénites, sont donc celles qui meurent le plus vite !

À ces mots, saisi d’une pitié poignante pour tant de jeunesse et de beauté anéanties, il se jeta à genoux en sanglotant et en répétant :

— Pauvre petite ! pauvre petite !

Ses larmes éveillèrent Marie.

— Ô Pierre ! Pierre ! dit-elle avec une plainte déchirante.

— Qu’as-tu ?…

— Je ne sais pas… ma tête se fend… ma poitrine brûle… Mon Dieu ! je suis donc atteinte d’un mal affreux !…

Le jeune homme se tenait debout et palpitant devant elle ; ses yeux étaient devenus secs et enflammés ; son haleine était suspendue.

— C’est plus que le mal !… reprit-elle après un long silence pendant lequel ses douleurs avaient augmenté.

— Que dis-tu ?