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LES MENDIANTS DE PARIS

l’improviste devant lui, il avait éprouvé d’abord à son aspect la surprise que cause un inconnu.

Pasqual portait alors des habits grossiers, mais propres ; sa personne était soignée ; sa belle physionomie apparaissait au grand jour ; les longs cheveux blonds qui garnissaient la partie inférieure de sa tête étaient lisses et luisants ; toute son apparence était simple, rustique, mais n’avait rien de l’homme dégradé de la ville. Il tenait son chapeau rond entre ses mains pendantes et croisées, et attendait, immobile sur le seuil, que M. de Rocheboise lui permît d’entrer.

Herman, le jugeant encore faible, le fit asseoir près de lui.

— Monsieur, dit Pasqual, avant de sortir de votre maison, je viens vous remercier de tous les soins que j’y ai reçus.

— Avant de sortir, Pasqual ! vous, croyez-vous déjà assez bien remis pour reprendre du travail ?

— Dans notre condition, monsieur, on sort du lit aussitôt que possible, en maladie comme en santé.

— Et maintenant que comptez-vous faire ?

— Je ne sais, monsieur. Avant l’accident, qui m’est arrivé, j’étais parfaitement décidé à quitter l’état de vagabondage pour un travail régulier, quelque dur qu’il fût. Mais votre médecin ne m’a pas caché que la blessure de mon bras droit, quoique bien guérie, laisserait toujours de la faiblesse dans le membre qu’elle a atteint.

— Et alors ?

— Je sais par expérience que l’homme du peuple n’a de ressource que dans ses forces physiques.

— Vous aviez exercé quelque état avant de tomber dans l’indigence ?

— Je suis né à la campagne, monsieur, et j’avais toujours travaillé à la terre. Des malheurs bien grands, des perles bien cruelles ont dû m’éloigner du pays que j’habitais, et qui n’était plus pour moi qu’une vaste tombe. J’étais atteint d’une maladie… morale, mais qui ne m’ôtait pas moins les forces du corps. Je voulus venir à Paris chercher des occupations moins pénibles. Quoique élevé au village, je savais écrire, compter, tenir des livres ; j’espérais que ce serait une ressource pour gagner ma vie… mais je me trompai : on ne veut de l’homme du peuple que la force musculaire qui le rend propre à porter les fardeaux… Après bien des essais inutiles qui me firent