Aller au contenu

Page:Robert - Les Mendiants de Paris, 1872.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vres quelques plantes imprégnées de rosée, et, ayant vu à quelques pas un buisson dont les broussailles tombantes pourraient me cacher aux regards si quelqu’un venait à passer dans la nuit, je me retirai dans cet abri, où succombant de lassitude, je m’endormis d’un sommeil bienfaisant.

« Quand le jour vint m’éveiller, je me hâtai de quitter mon gîte, et, brisée, étourdie encore, je m’assis dans les hautes herbes.

« Je regardai alors le lieu qui m’entourait et auquel je n’avais donné nulle attention la veille. J’étais sur une pelouse au milieu d’un paysage rustique et charmant. Une minute après, je me vis entourée d’une foule de belles chèvres, qui broutaient à mes côtés, et dont l’une frottait sa tête contre mes genoux en guise de caresse.

« Je lui donnai une poignée d’herbes que les autres voulurent partager, et bientôt après elles étaient toutes familièrement groupées autour de moi. Je vis venir de loin une paysanne portant un panier à son bras.

Cette femme me regarda attentivement, fit quelques pas, me regarda encore, puis après avoir un peu hésité, à ce qu’il paraissait, se décida à m’adresser la parole.

« — Eh bien ! la bonne femme, ; dit-elle, est-ce que vous voulez vous offrir pour garder mes chèvres à la place de la pauvre Jeanne, qui est morte avant-hier ?

« Surprise à l’improviste par cette question, je ne répondis rien.

La paysanne continua :

« — C’est que je vous trouve assise juste à la même place où se mettait Jeanne… Et de loin, j’ai cru que c’était elle qui revenait, la digne femme… Il paraît que mes bêtes s’y sont trompées comme moi, car les voilà déjà toutes en amitié avec vous.

« La villageoise crut que la timidité m’empêchait de m’expliquer, et elle reprit :

« — Si c’est votre idée de gagner votre vie en gardant ce troupeau, il faut le dire… je pense que vous êtes du pays… j’ai besoin d’une chevrière…autant vaut vous qu’une autre… je vous donnerai la nourriture et le coucher comme à Jeanne.

« J’avais eu le temps de réfléchir que, dans ce léger incident, la Providence m’offrait un moyen de vivre en restant dans ce village où toute mon âme était attachée. Je me hâtai d’accepter la proposition de la paysanne. Je lui