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Page:Robert - Les Mendiants de Paris, 1872.djvu/28

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LES MENDIANTS DE PARIS

— En ce moment, reprit Pasqual, cet homme est-il donc abandonné du sort et livré au premier danger qui viendrait se présenter ?

— Il est jeune, beau, noble, riche, et uni depuis ce matin à une femme douée de toutes les grâces et de toutes les vertus.

— Ah ! c’est lui dont le mariage a été consacré à l’église Saint-Sulpice.

— C’est lui, Herman de Rocheboise.

— Herman de Rocheboise !

— J’ai cru… que vous le connaissiez.

— Pourquoi ?

— Je vous ai observé, Pasqual ; vous étiez debout près du portique, vous n’avez cessé de tenir le regard fixé dans le chœur pendant la cérémonie, et, quand le cortège est sorti, on eût dit que la vue du marié vous causait une émotion poignante, car à l’instant où il passait, vous avez profondément pâli.

— Vous vous trompez.

— Je me trompe… c’est pourtant pour cela que j’ai désiré vous voir ce soir ici.

— Dans quelle intention ?

— Dans celle de vous demander si vous connaissiez Herman de Rocheboise, si vous le haïssiez.

— Je viens de vous répondre que non.

— Alors, Pasqual, jurez-moi, à cette place même, sur cette tombe, de ne jamais rien tenter contre lui.

— Pauvre femme ! un serment sur une tombe est une chose trop sérieuse pour le prodiguer ainsi.

— Vous me refusez ?

— J’ai déjà fait un serment dans ma vie, je le tiendrai… Mais en vérité, continua Pasqual en souriant, il m’est impossible d’y ajouter celui-ci.

— Vous me refusez ? répéta Jeanne avec une émotion profonde.

— Mais, après tout, ce qu’il peut arriver d’heureux ou de fatal à cet homme vous touche-t-il donc de si près ?

— Je ne suis qu’une pauvre femme bien faible, répondit Jeanne, plus faible que toute autre, puisque mes membres tremblent de vieillesse, puisque je n’ai pas tous les jours du pain pour soutenir ma vie… Cependant donnez-moi votre main.

Elle appuya la main de Pasqual sur son cœur.