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Page:Robert - Les Mendiants de Paris, 1872.djvu/98

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LES MENDIANTS DE PARIS

tégée contre les enfants attroupés, eut son tablier percé d’une pierre qu’ils envoyaient au pauvre souffre-douleurs.

L’automne était venue, et le temps du mariage de Pierre et Marié approchait. Ils en parlaient à peine, tant cette pensée était semblable pour eux à l’air qui fait vivre et qu’on respire sans y songer. Ils ne faisaient pas de projets de bonheur, pas de serment de s’aimer toujours ; ils n’avaient que le sourire continuel de leur âme pour interpréter ce qu’ils sentaient, comme les oiseaux de la feuillée n’ont pour exprimer le désir, l’amour, l’union, le bonheur, qu’un même gazouillement de joie.

En ce moment-là, le village fut-occupé d’un événement important. M. Herman de Rocheboise, avec un certain nombre de ses amis, arriva dans son habitation du Bas-Meudon pour y passer quelques jours en partie de chasse.

La maison que le comte de Rocheboise (alors à l’apogée de sa fortune) possédait sur le bord de la Seine était la plus importante de l’endroit. Lorsqu’il y venait dans le courant de l’année, sa présence faisait sensation ; mais c’était surtout son fils que chaque automne on voyait arriver avec joie. Le jeune maître s’installait à grand bruit, avec ses gens, ses équipages, son train de chasse, et son séjour répandait du mouvement et de l’argent dans le pays.

Il y a quelques années, la colline qui règne entre Meudon et la Seine n’était pas, comme à présent, peuplée de guinguettes où les Parisiens abondent chaque dimanche. Il n’y avait que des maisonnettes poussées au hasard à travers les champs, et quelques habitations bourgeoises qui, placées à distance, allaient rejoindre les villages aristocratiques de Sèvres et de Bellevue.

La plus ancienne et la plus spacieuse de ces maisons de campagne était celle de M. de Rocheboise ; elle portait même sur les lieux le nom de château. Cependant, ni tours, ni fossés, ni bassins où flotte le cygne fidèle aux grandeurs, ne lui donnaient ses lettres de noblesse. Elle offrait seulement une masse carrée et assez imposante, une teinte sombre de murailles, une position élevée a cent pas de la rivière, et un perron orné de sculptures massives, d’où une belle allée d’ormes descendait jusqu’au bord de l’eau. Avec ces seuls avantages, et sans doute parce que nulle autre demeure des environs ne pouvait revendiquer le titre seigneurial, ce bâtiment restait paisible possesseur de son titre de château.

Les décors intérieurs qui remontaient comme sa con-