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Page:Robert - Les Mendiants de la mort, 1872.djvu/190

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les mendiants de la mort

Tandis qu’un rayon de la lune tombe encore sur les restes de Corbeau :

— Adieu, notre vieux camarade, disent les mendiants. Nous espérons que tu ne nous en veux pas… Tu oublieras bientôt cette nuit de douleurs et de combats dans la paix de l’autre monde… et tu nous pardonneras les peines que nous t’avons faites, si elles ont servi à t’envoyer un peu plus tôt dans l’éternité… comme Dieu te pardonnera aussi tes offenses, afin que tu restes à ses côtés, où les vieux vagabonds qui ont presque fini leur tournée sur la terre iront bientôt te rejoindre.

Mais le pauvre François songe que Corbeau ne doit pas descendre dans la terre sans qu’un objet béni l’y accompagne. Il détache de son cou une petite relique qu’il a portée toute sa vie, et, tandis qu’une larme roule dans ses yeux privés de la lumière, il se penche sur la fosse, cherche, à l’aide de ses mains, la poitrine du mort, et y dépose sa relique.

La terre retombe ensuite et la fosse et comblée.

Après cette étrange cérémonie, les mendiants redescendirent enfin vers la ville. Arrivés à la barrière, ils remercièrent Dieu, et aussi leur brave petite Robinette, d’avoir mené à bien l’entreprise ; ils prirent des arrangements pour mettre en sûreté ces richesses qu’ils avaient presque oubliées dans la partie tragique de cette nuit aventureuse, et chacun regagna sa demeure.

La Providence prit en pitié sans doute la faute de ces pauvres gens innocemment homicides, car avant le point du jour une nouvelle et épaisse couche de neige effaça toute trace des mystérieuses funérailles.


XXII

dans la prison

Trois mois s’étaient écoulés.

Le printemps avait atteint ses plus splendides journées ; une lumière dorée se répandait sur les longues murailles de la prison de la Force, dont l’étendue, dépouillée de sa teinte sombre, se perdait dans l’atmosphère limpide.

Les habitants d’alentour, dans ce quartier paisible de l’ancien Paris, venaient sur leurs portes respirer un air tiède, ou se répandaient dans la rue éclairée du soleil.

Robinette, placée sous la niche antique d’une bonne