Aller au contenu

Page:Robert - Les Mendiants de la mort, 1872.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
26
les mendiants de la mort

qu’ils vinssent me répondre… J’ai vu de la lumière au haut de l’escalier… elle venait du feu allumé dans cette chambre ; à tout hasard je suis monté… Le couvert était mis… mais personne encore au logis… Alors je me suis cachée dans cette alcôve pour rire quand vous reviendriez… c’est bien simple.

— Oh ! oui, c’est bien simple, répéta Herman, en se parlant à lui-même. Il semble que la réalité prenne à tâche de se railler de moi, de se cacher sous de bizarres visions pur reparaître tout à coup sous le jour le plus positif et le plus naturel.

Robinette cependant s’était approchée de la table, attirée vers le dîner, déjà servi, par une force magnétique.

— Ah ça ! il ne faut pas oublier que nous dînons avec les messieurs de Sabran, dit-elle en se coupant une tranche de pâté qu’elle arrosa d’un verre de vin, pour se soutenir en attendant.

On entendait le vent mugir dans la cheminée et des torrents de pluie venaient toujours battre contre les fenêtres.

— Comme ça tombe ! reprit Robinette. Ah mais ! ah mais ! je ne veux pas sortir par ce temps-là, moi ! c’est bien plutôt à ces messieurs à se déranger. On dînera ici, n’est-ce pas, Herman ?

Et sans attendre la réponse, elle sonna.

Le vieux gardien et son fils montèrent en toute hâte. À l’aspect d’une jeune dame inconnue, et entrée sans leur participation, ils eurent un accès de stupeur qui redoubla la pesanteur et la niaiserie habituelles de leur physionomie, et donna de nouveau à rire à Robinette.

— Sont-ils ébouriffés de me voir ! dit-elle. Eh bien, oui, là… c’est moi !…

— Qu’y a-t-il pour le service de madame ? demanda le fils du concierge.

— Oui, écoutez… vous, le plus jeune, allez tout de suite chez M. de Sabran, aux Moulineaux, vous savez bien ?… vous direz à ces messieurs qu’on dîne ici… Non, Eugène veut qu’on dise souper parce que c’est plus Régence… qu’on soupe ici… Et qu’Eugène fasse apporter toutes les provisions… surtout qu’il n’oublie pas les faisans dorés ! il vaudrait mieux qu’il s’oubliât lui-même, entendez-vous ?

Puis regardant autour d’elle :