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Page:Robert - Les Mendiants de la mort, 1872.djvu/49

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les mendiants de la mort

— Oh ! triste départ ! dit-il, tristes adieux à cette habitation sainte ! réunion cruelle de sentiments brisés !… Je quitte cette demeure, parce que Valentine a cessé de m’aimer, a voulu me fuir ! parce que je ne peux plus aimer mon père et dois le fuir aussi ! Tristes adieux !…

Puis, essuyant brusquement ses paupières humides :

— Allons, dit-il, mon ami, parlons… Je n’emporte rien d’ici, ajouta-t-il en jetant un dernier regard dans la chambre qu’il quittait.

Mais alors ses yeux rencontrèrent le portrait de Valentine et il s’avança précipitamment vers la cheminée pour le prendre.

La miniature était serrée dans la boiserie par les sculptures qui l’entouraient ; elle ne céda pas de suite au mouvement que fit Herman pour la détacher.

Pasqual s’approcha pour aider à son maître… Mais à peine eut-il touché l’image de Valentine qu’elle se brisa dans sa main.

Il jeta les débris de l’ivoire dans le foyer.

— Allons ! dit-il en souriant à Herman, la Providence ne veut pas que vous gardiez aucun souvenir qui entretienne vos peines.

Ils descendirent rapidement l’escalier.

— Rue de la Chaussée-d’Antin, numéro 20, dit Pasqual au cocher.


VI

l’hôtel et la mansarde

Il y avait plus d’une année qu’Herman de Rocheboise était établi dans un magnifique hôtel de la Chaussée-d’Antin.

Son amour pour Valentine était le même qu’au jour où il l’avait perdue. Cette passion, qui, deux années auparavant, aurait pu élever, régénérer tout son être, et tremper son âme aimante de force et de grandeur, maintenant, condamnée à rester toujours inutile et solitaire, s’exhalait tour à tour en plaintes vaines et en colère.

Dans ses jours de tristesse extrême, Herman cherchait l’ivresse du plaisir pour s’étourdir, pour oublier ; dans ses jours de dépit violent, il étalait encore toutes les joies et les voluptés de l’existence pour se venger de Valentine…