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Page:Robert - Les Mendiants de la mort, 1872.djvu/64

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les mendiants de la mort

rait le même air que Valentine, qui venait d’échanger des regards avec elle au coin du foyer, et de reposer la tête sur ses genoux. Mais maintenant l’impossibilité dans laquelle se trouvait Herman d’apercevoir même de loin Valentine lui donnait un désir ardent de la voir de plus près, de pénétrer chez elle. La rigueur extrême dont elle usait envers lui lui inspirait même plus de hardiesse pour s’y présenter qu’il n’en aurait eu auparavant. Maintenant du moins Valentine l’avait remarqué, elle savait qu’il était là, près d’elle, il n’avait donc plus à redouter la froide surprise, si pénible à inspirer. Valentine prenait mille peines pour se soustraire à ses regards ; il ne devait donc plus craindre une complète indifférence, un dédain manifeste de lui et de ses sentiments… Après cela, tout le reste serait plus facile à supporter.

Herman ne songea plus qu’à pénétrer chez madame de Rocheboise et en chercha les moyens.

Il épuisa d’abord toutes les ressources possibles pour attirer son attention. Ce furent des promenades interminables sous ses fenêtres, des paroles adressées à Diamant d’une voix assez haute pour monter jusqu’à la croisée, des entretiens tentés avec la vieille gouvernante, qui ne le connaissait point, mais ne lui répondait pas davantage.

Comme les enfants qui se font au mal à eux-mêmes pour punir ceux qui les adorent et en obtenir satisfaction, il imagina, un soir qu’il tombait une pluie froide et torrentielle, de rester dans ce quartier désert et de parcourir sans interruption le trottoir de la place à la rue Belle-Chasse. Il sentait bien que, malgré la persienne fermée, Valentine le savait là et le suivait du regard. Il se plaisait à amasser sur son manteau la froide ondée, tantôt jouissant de ce que devait souffrir la femme qui avait avoué conserver pour lui des sentiments de mère, tantôt attendant le moindre signe de pitié de sa part pour lui demander de se réfugier dans son foyer.

Valentine, qui, en effet, suivait ses mouvements, mit fin à la promenade nocturne d’une manière plus implacable. Elle ferma tout à fait les persiennes et éteignit sa lumière, indiquant ainsi que la maison ne pouvait plus s’ouvrir pour lui.

Herman se jeta dans une voiture de place et rentra chez lui. Le froid, la fatigue, le tinrent éveillé toute la nuit, et il eut tout le temps de maudire sa destinée.

Un incident vint aggraver sa situation.