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Page:Robert - Les Mendiants de la mort, 1872.djvu/96

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les mendiants de la mort

XI

il est fête chez robinette

Le jour de la fête donnée par Robinette était venu ; il devait y avoir matinée musicale et dansante.

Dès midi, l’appartement occupé par la belle jeune fille, dans une des plus élégantes maisons de la rue Neuve-Saint-Georges, était disposé pour la réception fixée à deux heures.

Robinette avait choisi à dessein cette heure de réunion. La lumière du jour, la profusion des fleurs, la fraîcheur des décors, où tout était empreint de jeunesse et de grâce, donneraient à cette fête l’aspect d’un printemps improvisé au milieu duquel la maîtresse de maison, d’une beauté si jeune et si vivante, était dans le cadre qui lui convenait le mieux.

Après la collation, on devait tirer une loterie, composée d’objets de toilette offerts aux femmes présentes par M. de Rocheboise, et qui allaient du simple éventail jusqu’aux bijoux et aux cachemires.

Peu de temps avant la réunion, Robinette était devant sa toilette. Mademoiselle Laure, la femme de chambre qui datait du principe de sa fortune, arrangeait ses cheveux. Un costume gracieux, mais bizarre, choisi pour ce jour-là, était étale sur un divan.

La coiffure à laquelle mademoiselle Laure travaillait avec le plus grand soin était singulière aussi : elle consistait en deux tresses de toute longueur et de toute beauté, terminées par des nœuds de ruban rouge, et destinées à rester Collantes sur les épaules.

Robinette, choisie par le hasard pour connaître le plus haut degré de fortune, au milieu de sa vie de luxe et de mollesse, regrettait parfois son enfance plus libre et plus insoucieuse encore, ses courses vagabondes, l’imprévu de ses journées, les émotions indicibles que lui donnait la moindre douceur dans cette existence misérable, le bien-être délicieux que lui faisait goûter un rayon de soleil après avoir essuyé la forte ondée, dont les gouttes ruisselaient encore sur ses vêtements.

Elle y pensait souvent avec une douceur mêlée de tristesse, soit par la tendance que nous avons tous à embellir et à regretter le passé, soit parce que cette existence errante, livrée au grand air abandonnée à la charité publi-