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Page:Rodenbach - La Belgique, 1880.djvu/14

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Hélas ! la trahison, tel qu’un venin caché,
S’insinua bientôt au fond de nos entrailles,
Et Roeland, s’ébattant comme un oiseau lâché,
Fit planer son grand vol d’airain sur nos murailles.

Les métiers s’arrêtant et le peuple ayant faim,
Les gildes du pays prirent leurs arbalètes,
Car il fallait pouvoir montrer jusqu’à la fin
Que toujours les Flamands étaient de fiers athlètes.

Le vieux lion de Flandre, éveillé brusquement,
Pour courir au combat sortit de sa tanière,
Et crispant sa narine au nerveux gonflement,
Belliqueux, secoua dans le vent sa crinière.

Mais, égaré, trahi, ce peuple de héros,
En retombant captif, me frappa de sa chaîne ;
Je suis mort, pardonnant leur crime à mes bourreaux,
Car j’avais plus d’amour qu’ils n’avaient eu de haine !

Aujourd’hui, Léopold, ce que j’avais rêvé
S’est accompli sans doute, et tu viens me le dire ?
Tes vaillants fils ont vu mon grand œuvre achevé
Et leurs mains ont cueilli les fruits de mon martyre ?