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Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/118

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À présent elle est vieille et va sans savoir où ;
Au bout du chemin morne où chacun l’abandonne,
Elle va s’affaisser sans doute dès l’automne
Puis on la jettera comme un chien dans un trou !…

Dans un trou jaune et gras de la terre marâtre,
Où les vers rongeront ce corps jadis si beau ;
Mais elle aura du moins la paix dans son tombeau
Et l’herbe lui rendra des fleurs comme au théâtre !… »

La vieille tout en pleurs se déshabille alors
Sans quinquet, à tâtons, dans cette chambre obscure,
Puis s’étend sur son lit, les mains sur la figure,
Comme pour échapper aux bruits gais du dehors.

Mais dès le lendemain, plus hâve et les yeux ternes,
Elle revient encor sur le seuil des maisons
Pincer de la guitare et crier ses chansons,
Puis s’éloigne en comptant son gain sous les lanternes.