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Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/57

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Se sachant regardée elle attend ; puis enfin
Descend à pas frileux et lents comme une chatte
Qui marche dans la neige en secouant la patte.

Alors elle s’encourt brusquement vers la mer.

Oh ! comme elle est superbe ainsi ! Sa blanche chair
Semble pétrie avec des bouquets d’aubépines ;
Et tandis qu’elle fuit au milieu des cabines,
Ses seins fermes, bombant son corsage fermé,
Tremblent comme des fruits sur un arbre embaumé.

Puis la voilà dans l’eau… voyez comme elle saute,
Comme elle avance bien malgré la marée haute
Et comme elle a des cris pleins de rire, en nageant,
Quand l’écume, pareille à des sequins d’argent,
Se suspend en collier à son beau cou de cygne.

Mais elle va trop loin ! les baigneurs lui font signe,
On sonne de la trompe, on l’appelle à grands cris,
Car près de ces brisants combien de corps meurtris
Ont roulé tout à coup dans ce grand gouffre avide
Ainsi que des cailloux tournoyant dans le vide !