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Page:Rodenbach - Le Mirage, 1901.djvu/58

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dément, on veut se souvenir, aimer jusqu’au bout, jusque dans l’éternité.

JORIS.

Mais pourtant oublier, c’est l’instinct, c’est la loi de la nature.

HUGHES.

Certes, la nature veut qu’on oublie. Mais elle ne songe qu’à elle-même, elle qui se continue et entend que la vie sans cesse sorte de la mort. C’est pourquoi il apparaît impie au monde de ne pas vouloir oublier. On est en révolte contre la nature. Mais c’est la plus belle victoire d’un homme. Et toujours aimer, c’est la plus haute conscience de l’amour !

JORIS.

Comment le peut-on ? Chaque journée use le souvenir, use nos sentiments, change nos idées comme elle change les molécules mêmes de nos corps…

HUGHES.

Il faut vouloir, lutter, aider la mémoire et l’a-