Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/41

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II

Aujourd’hui cet amour de jeunesse est défunt,
Et nous n’en gardons plus qu’un vague et doux parfum ;
Car le grand destructeur des tendresses, l’absence,
A flétri dans sa fleur ce rêve d’innocence,
Et se parant toujours de joie et de rayons,
La nature oubliera comme nous oublions,
Sans qu’un vent triste sur notre éloignement pleure,
Sans qu’une herbe se fane, ou sans qu’un oiseau meure
De nous voir aujourd’hui séparés et vivants !…
Que dis-je ?… les moineaux dans les arbres mouvants,
Gais sous le parasol ombreux de feuilles souples,
Viendront chaque printemps se réunir par couples,
Et les bois qu’une tiède ondée a rajeunis
Par le chant des ruisseaux endormiront les landes,
Dans les étangs viendront se mirer d’autres bandes ;
Les rameaux plus épais autour de chaque tronc
Sous leur obscurité tranquille ombrageront
Les amants au retour des kermesses prochaines,
S’en allant deux à deux s’embrasser sous les chênes !…