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Page:Roger De Beauvoir - Le Chevalier De Saint-georges Edition2V4 1840.djvu/103

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LA MAISON PÂLE.

de visite, indépendamment de la barre qu’avait la grille, il fallait détacher une énorme chaîne de fer pendant à deux bornes intérieures de la cour. Quant à la cuisine, comme elle était souterraine, il était difficile qu’on y entendît le moindre bruit ; et pourtant, à certaines heures, les sons d’une voix tristement cadencée s’y frayaient passage par le soupirail, sans que pour les voisins il pût en résulter un sens précis.

À d’autres instans, et principalement lorsque la nuit étendait son crêpe sur ces murailles, la flamme extravagante qui se faisait jour à travers les persiennes ébréchées d’une chambre du milieu semblait vomir aussi quelques paroles inintelligibles… On eût dit que ces échelons de bois, dont le loquet demeurait toujours fermé, abritaient à l’intérieur quelque conjuration cabalistique… Tantôt la flamme y paraissait bleue comme celle du punch, tantôt elle dardait au dehors des jets rougeâtres… Rien n’était distinct ni reconnaissable dans cette espèce d’incendie, mais on y voyait sautiller pourtant une forme noire empressée à l’exciter ou à l’abattre, ombre travailleuse qui tenait souvent un pan de rideau entr’ouvert et le rabaissait ensuite sur elle pour tout faire rentrer dans la nuit. De fortes odeurs, émanées enfin de cette chambre, donnaient lieu de croire à quelques expériences chimiques tentées sans doute par son curieux propriétaire…

Une fois par semaine, deux ou trois personnes ébranlaient de leurs pas le vaste péristyle, dont presque tout le carrelage était déchaussé… Insensible-