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Page:Roger De Beauvoir - Le Chevalier De Saint-georges Edition2V4 1840.djvu/21

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LA RUE DE L’ORATOIRE.

pensa que cet asile conviendrait à Mlle de La Haye. La jeune fille se trouvait de la sorte à peu de distance du Palais-Royal, dont le gain de son procès allait lui ouvrir les portes. Bien qu’elle éprouvât peu de déplaisir à quitter le quai d’Anjou, Agathe avait tressailli en s’éveillant un matin sous la protection d’une gouvernante dans ce nouvel appartement. Les murailles de l’église de l’Oratoire y jetaient durant le jour une ombre froide et sévère ; il passait à peine quelques carrosses par la rue… La sollicitude que Maurice avait apportée dans toutes les démarches qui concernaient la poursuite du procès d’Agathe, la demande récente de sa main qu’il venait d’adresser à son oncle, armateur à Saint-Malo, lui firent une loi d’accepter l’offre du jeune homme. Nous avons dit déjà que la pureté de ses intentions était écrite sur le front de Maurice en caractères si visibles que l’assiduité de sa cour ne pouvait en compromettre l’objet. Au rebours des jeunes roués dont Paris fourmillait en ce temps plus qu’en tout autre, Maurice possédait une grande loyauté de principes vis-à-vis des femmes ; la passion prenait racine chez lui comme dans une âme vierge… Tyrannique dans ses moindres volontés, parce que son enfance n’avait jamais été contrariée en quoi que ce fût, le créole en était venu à souffrir silencieusement les lenteurs et les tristesses de cet amour, comme un esclave qui s’humilie devant l’immuable loi du maître. Mlle de La Haye exerçait sur son esprit un tel pouvoir que lui-même avait résilié tout pouvoir entre ses mains.

Ce sacrifice de sa nature fait par le jeune homme