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Page:Roland à Roncevaux.djvu/14

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une sorte d’ardeur impérieuse, d’outrance, que ses amis appellent sa prouesse, que ses ennemis appellent son orgueil.

Voici donc qu’à Roncevaux, au pied des Pyrénées, il vient de réclamer l’honneur de rester à l’arrière-garde. Et voici que d’un même élan, Olivier, son compagnon, puis les dix autres pairs, puis Turpin l’archevêque, puis vingt mille Français, la fleur de France, se sont offerts à rester avec lui. Or nous savons que leur troupe sera attaquée par une armée sarrasine plus forte, qu’un traître, Ganelon, a conduite et cachée dans les gorges voisines. Et ce qui fait le pathétique de la situation, c’est que Roland et ses vingt mille volontaires pressentent leur péril, l’ont à demi deviné, et que pourtant des raisons de fierté, d’honneur, qu’il serait trop long d’analyser, mais qui sont justes et invincibles, les ont décidés à s’offrir à la redoutable mission, ont décidé Charlemagne à consentir.

Charlemagne, malgré ses pressentiments, s’est éloigné dans la montagne. Par la route du col de Cise, sa grande armée s’écoule vers la France. Gardant l’entrée de cette route, au pied des Ports, les vingt mille attendent. Les Sarrasins vont attaquer. Le poème ne sera-t-il donc que le récit d’une immense tuerie ? Comme des fauves acculés, ou comme des martyrs dans le cirque, les vingt mille n’auront-ils qu’à subir leur destinée ? Non, ils en sont les maîtres, autant que des personnages cornéliens. Car la route reste libre derrière eux : ils peuvent battre en retraite vers Charlemagne ou le rappeler, s’ils veulent, par un messager ou par la voix du cor.

Que feront-ils ? Roland, maître de rappeler Charlemagne, et invité à le rappeler, refusera mais pour des raisons inattendues, et qui sont bien propres, semble-t-il, à nous surprendre et à nous choquer, puisqu’elles