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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

Je passerai rapidement sur les deux autres morceaux, quelle qu’en soit la parfaite beauté. Cette perfection même en est la caractéristique. Rarement, Beethoven s’est montré plus maître de l’Harmonie, au sens non plus spécialement musical, mais essentiel : équilibre de l’art, sérénité divine de l’esprit, comme l’entendaient les Grecs : ’AouvoU Osp.epwTO.ç , qui mélange les Éléments selon les proportions justes et qui les fixe ensemble « avec des clous d’amour 1 »...

Le suave Adagio, — sa paix élyséenne, son balancement aérien, — chemine à pas feutrés, dans une demilumière, qui ne s’élève qu’une ou deux fois au forte, sept ou huit fois au sforzando, par souffles las d’une poitrine comme oppressée d’extase, et s’éteint lentement en un soupir de bonheur qui s’endort...

L’allegretto final est un caprice de Songe d’une nuit d’été.

Mais si différents que soient les trois morceaux, ils font preuve d’un art de la construction, tour à tour puissant et délicat, que jamais sonate de Beethoven n’avait manifesté, à ce degré. De ce point de vue architectural, on ne sait ce qu’on doit le plus admirer, du saisissant relief des lignes et des moulures du premier morceau-récitatif, où un motif de quelques notes, profondément sculpté, détermine la montée des piliers et des voûtes de tout l’édifice, -— ou de la géniale fantaisie qui, par une gageure, fait sortir d’un banal dessin de quatre notes, donné par le 1. CI. mon Empédocle d’Agrigente, p. 34-35.