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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

Immédiatement après s’être allégé du poids énorme de T Héroïque, Beethoven chancelle. En ce même mois de mai 1804, où l’oeuvre est terminée, il tombe malade, d’une affection aiguë qui traîne pendant des mois et qui finit en fièvre intermittente, longue et tenace. Il habitait alors avec son ami d’enfance, Stcphan von Breuning. Et celui-ci, écrivant à l’ami commun, Wegeler, le 13 novembre 1804, nous montre l’homme ravagé :

— « Vous ne pourriez croire quel effet imlescriptiule (je devrais dire, effroyable) a eu sur lui la perte de l’ouïe. Imaginez sur cette nature fougueuse le sentiment du malheur qui lui est attaché ! Il se renferme en lui, il se méfie souvent des meilleurs amis... Le commerce avec lui est une véritable tension d’esprit ; on ne peut jamais s’abandonner, quand on cause avec lui... »

se sont mépris ! — J’ai voulu ressusciter le Michel-Ange des Lettres et des Rime, celui de la vie quotidienne, l’Oreste en proie aux Furies, le Prométhée rongé par le vautour, le Bourreau-de-soi-même. J’avais été étreint par le cri de sa soullrance, et je l’ai fait entendre, sans atténuer, sans ajouter. Mais c’était afin que le monde connût s quanlo sarigue cosia... a

la rayonnante splendeur de l’œuvre d’art. — L’ombre suppose la lumière. Le crucifié la portait en lui. Et je ne l’oublie point. Le public qui me lit no doit pas l’oublier non plus. Le Buonarotti qui se couche, en gémissant comme Job, sur son fumier, descendait de l’échafaudage des voûtes de la Sixtine, où, la tête renversée, il venait de contempler, dans le trou bleu du ciel, face à face, Jéhovah. Quand il dégringolait ensuite dans la vie, il avait le vertige du tourbillon de Dieu. J’ai tâché d’exprimer, dans ma Vie de Michel-Ange, ce vertige divin. Dans mon autre livre sur Michel-Ange, j’ai nais au premier plan l’œuvre et l’esprit constructeur.