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BEETHOVEN

ne peut remplacer dans notre confidence : car il touche, d’une main pieuse, aux cordes les plus sacrées de notre âme solitaire.

L’ample mélodie déroule sa plainte et sa tendresse, que rythment les pulsations de l’orchestre, cette poitrine oppressée. — La première version se gardait bien, comme a fait la seconde, pour des raisons toutes matérielles d’économie de temps, de souder cette oraison au cri d’action héroïque avec les fanfares des cors : « Ich folg’ dem innern Triebe ! »… Elle avait ménagé une transition naturelle et émue, par la pensée de « celui pour qui la fidèle épouse supporte ces maux » ; et la scène s’achevait après, selon la logique de l’émotion, en l’air de « bravoure » (au sens exact du terme), dont la fougue, l’accent épique et les modulations de lumière ensoleillées annoncent déjà les finales de Weber.

Mais le joyau de l’acte est la scène qui suit : le chœur des Prisonniers. Ils sortent de l’ombre, en tâtonnant. A petites gorgées, timides et avides, ils boivent le jour… Qui jamais avait exprimé cette joie tremblante, ces frémissements du cœur, cette peur du bonheur ! Une allégresse à voix basse… Ces pianissimo de Beethoven ! Quel rôle ils jouent dans cette œuvre ! On ne le remarque pas assez… 1 L’homme, privé de la joie, ose à peine l’effleurer de la main, quand elle lui apparaît. Et elle hésite à l’aborder. Elle est une blessée, comme lui. Leur émotion s’exprime d’une façon religieuse. Et Dieu s’y mêle, en effet :… « Gottes Hülfe… » Les âmes tremblantes sont éclairées par sa pré-

1. Berlioz est le seul qui en ait profondément oenti la signiiioalion.