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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

chaire une poésie enflammée, qui soulève Tenthousiasmc de ses élèves. L’année suivante, le Hofmusicus Beethoven souscrit au recueil de poésies révolutionnaires, où Schneider jette à l’ancien monde le défi héroïque de la démocratie qui vient :

« Mépriser le fanatisme, briser le sceptre de la stupidité, combattre pour les droits de l’humanité, ha ! cela, nul valet des princes ne le peut. Il y faut des âmes libres qui aiment mieux la mort que L. flatterie, la pauvreté que la servitude… Et sache que de tilles âmes, la mienne ne sera pas la dernière !…[1] »

Qui parle ? Est-ce Beethoven, déjà ? Les mots sont de Schneider. Mais Beethoven les fait chair. Cette orgueilleuse profession de foi républicaine, le jeune jacobin, qui aura, par la suite, tout le temps de changer sa conviction politique, mais qui ne changera jamais sa conviction morale, la porte arrogamment dans la haute société, dans les salons de Vienne, où, dès ses premiers succès, il traite sans ménagements l’aristocratie qui le fête…


Cette fleur d’élégance d’un monde qui va finir ! Jamais elle n’a été plus fine, plus délicate, plus digne de l’amour (à défaut de 1 estime), qu’à cette heure de vigile qui précède la dernière journée : l’arrivée des canons de Wagram. Elle

1. Karl Nef : Beclhovcns Beziehungen zur Poliiik (Sonnlagsblatt der Basler Nachrichten, 1, 8 et 15 juillet 1923).

En cette même année 1790, la première grande composition de Beethoven pour solo, chœurs et orchestre, sa Cantate sur la Mort de Joseph II, célèbre, dans le style mélodramatique de la Révolution, mais non pas sans grandeur, la lutte herculéenne de l’homme qui terrassa « le monstre Fanatisme ». 8

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