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BEETHOVEN

souffrance fore l’âme et ouvre au feu l’issue. Et le déchirement du cœur est ivresse de l’esprit. Qui peut dire que l’un nie ou contredît l’autre ? Ils sont un. Ils sont le battement du rythme du génie. Tant qu’il est dans sa force ascendante, le couple de la joie et de la douleur l’emporte, il en fait son attelage et le mène où il veut. Il est le maître de la route. Par légions, ses énergies se lèvent. Mais il les tient. Il les assemble et il les lance à la conquête du monde intérieur.

Je ne joue pas avec les mots ! Ces images ne sont que des reflets, les ombres du feu qui dansent sur la route. Entrons dans la forge ! On verra si jamais volonté napoléonienne a manié plus victorieusement une montagne incandescente de matière en fusion ! Dans la vie même de Beethoven, qui est d’exception, cette période de trois ans est unique. Elle porte, à bon droit, le nom de VHéroïque. C’est un Etna. Et dedans, forgent les Cyclopes le bouclier d’Achille.


Nous pouvons suivre chaque coup de marteau. Par une fortune singulière, nous avons conservé les Livres d’Esquisses presque complets[1], de l’automne 1801 au printemps 1804. Et les précisions où je vais entrer

1. Celui de VHéroïque est à la Staatsbibliothek de Berlin. — ün connaît, à cette heure, quarante livres ou cahiers d’Esquisses de Bee¬

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