Aller au contenu

Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

davantage ; j’aurais voulu, si j’avais pu, leur dire : « Mes amis, pardon. Je n’ai rien vu… » Et le lourd soleil de septembre pesait sur la ville accablée. Fièvre et torpeur de fin d’été.

Notre Racquin était parti, sous bonne escorte, pour Nevers, où le duc et le roi se disputaient l’honneur de le juger, si bien que, profitant du différend, il comptait leur glisser des doigts. Quant à moi, nos messieurs de la châtellenie avaient eu la bonté de vouloir bien fermer les yeux sur ma conduite. Il paraît que j’avais commis, en sauvant Clamecy, deux ou trois gros délits, qui m’eussent pu valoir pour le moins les galères. Mais comme ils n’auraient pu, en somme, se produire, si ces messieurs, au lieu de décamper, étaient restés pour nous conduire, ils n’insistèrent, ni moi. Je n’aime point avoir à démêler en justice ma laine. On a beau se sentir innocent : sait-on jamais ? Quand on a le doigt pris dans la sacrée machine, adieu le bras ! Coupez, coupez, sans hésiter, si vous ne voulez que tout l’animal y passe… Aussi, entre eux et nous, sans nous être rien dit, il était convenu que je n’avais rien fait, et qu’ils n’avaient rien vu, et que ce qui s’était accompli, cette nuit, sous mon capitanat, l’avait été par eux. Mais on a beau vouloir, on ne peut tout d’un coup effacer ce qui s’est passé. On se souvient, et c’est gênant. Je le lisais dans tous les yeux : on avait peur de moi ; et j’avais peur moi-même de moi, de mes exploits, de ce Colas Breugnon inconnu, saugrenu, qu’hier j’avais été. Au diable, ce César, cet Attila, ce foudre ! Foudre de vin, je le