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Page:Rolland - Colas Breugnon.djvu/94

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suis fait et celle où je vis (c’est la même). « Ara, ora et labora. Roi tu seras. » Ils sont tous rois, les Clamecycois, ou le seront, oui, par ma foi : car j’entends, dès ce matin, bruire les aubes des moulins, grincer le soufflet de la forge, tinter la danse sur l’enclume des marteaux des maréchaux, le couperet sur le tranchoir hacher les os, les chevaux à l’abreuvoir renifler l’eau, le savetier qui chante et cloue, les roues des chars sur le chemin, et les sabots pati-patoche, les fouets claquants, les bavardages des passants, les voix, les cloches, le souffle enfin de la ville travaillant, qui fait ahan : « Pater noster, nous pétrissons panem nostrum quotidien, en attendant que tu le donnes : c’est plus prudent… » Et sur ma tête, le beau ciel du bleu printemps, où le vent passe, pourchassant les nuages blancs, le soleil chaud et l’air frisquet. Et l’on dirait… c’est la jeunesse qui renaît ! Elle revient, à tire-d’aile, du fond des temps, refaire son nid d’hirondelle sous l’auvent de mon vieux cœur qui l’attend. La belle absente, comme on l’aime, à son retour ! Bien plus, bien mieux qu’au premier jour…

À ce moment, j’entends grincer la girouette sur le toit, et ma vieille, dont la voix aigre criait je ne sais quoi à je ne sais pas qui, peut-être à moi. (N’écoutais pas.) Mais la jeunesse effarouchée était partie. Au diable soit la girouette !… Elle, enragée (je dis : ma vieille), elle descend me corner dans le tympan son chant :

— Que fais-tu là, les bras ballants, bayant aux nues, maudit feignant, la gueule ouverte comme le