Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/173

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un bref coup d’œil pour vérifier, puis de nouveau face à l’orage. Il fut sur le point d’éclater :

— « Baisse ta persienne ! »

Elle ne baissa pas. Il entendait, très régulier, le pianotement. Il descendit deux des trois marches, avec fureur. Puis, il se ravisa, tourna le dos, et dans sa tanière il rentra.

Après un temps, sonnerie de nouveau. Un employé épeuré alla chercher les ordres, les rapporta avec une liasse griffonnée : à mettre au net, un article du maître. Annette eut à taper la prose fangeuse de Timon. Elle n’avait pas jeté dessus un regard qu’elle eut un haut-le-corps, et, se penchant vers le sous-chef :

— « Dites donc, chef, on est chargé de nettoyer, n’est-ce pas ? »

L’autre sursauta :

— « Quoi ! nettoyer ? »

— « Eh bien, l’ordure. Il y en a là dedans ! »

Il leva les bras ; et, d’une voix étranglée :

— « Malheureuse ! Garde-t’en bien ! »

Et il ajouta, avec une amère goguenardise :

— « C’est justement ce qui en fait le prix ! »

Puis, très sérieux :

— « Ah ! n’est-ce pas ? Pas de bêtises ! Tu nous mettrais dans de beaux draps ! Tape le tout, exactement ! »

— « Avec les fautes d’orthographe ? »

— « Qu’est-ce que ça te fiche ?… Bon, les plus grosses, mais vas-y prudemment ! Qu’il ne soit pas forcé de le remarquer ! Le bougre ne te le pardonnerait pas… »

— « Mais tout de même, voilà qu’il barbote dans un tas de mots qu’il ne sait pas ! Il nous fait du Pirée un homme… »

— « Eh ! je m’en fous ! C’est son affaire. La mienne est d’avoir la paix ici. Toi, la première, fiche-la moi !… Ne te mêle pas de ce qui ne te regarde pas !… Allons,