Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/236

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qui devait être tourné contre l’hégémonie d’affaires anglo-saxonnes, et qui nécessitait son déplacement à l’étranger.

Ce furent des mois d’intense labeur, auquel Annette se trouva étroitement associée. Elle n’avait pas le temps de se soucier des perfidies qui, dans la presse, commençaient sournoisement à la viser. Timon, plus sourcilleux qu’elle pour son compte, tempêtait ; et il avait ses moyens de tenir en respect les coupe-jarrets. Mais Annette n’avait aucune raison de préférer ceux de Timon à ceux de l’ennemi… « Capuletti ! Montecchi !… » Mêmes bandits. — « Fais-moi le plaisir, Timon, de m’épargner la protection de tes bravi ! »

— « Préfères tu qu’on te diffame ? »

— « Eh ! qu’ils parlent ! »

Elle haussait l’épaule. Que lui faisait l’opinion ?… Si ! sur un point elle était sensible. Elle avait son talon d’Achille. C’était sur ce que pourrait penser d’elle son garçon. Et par lui, l’opinion dédaignée reprenait son avantage. Car il en pouvait arriver des relents à Marc. Elle devait être très attentive à ne fournir aucune prise au soupçon qu’elle retirât de son emploi chez Timon des avantages équivoques. Et comme il lui était insupportable de tricher Marc, elle se refusait, même si Marc n’en dût rien savoir — (il ne venait plus jamais la voir) — tous les cadeaux que Timon lui offrait, et qu’à part soi elle eût trouvé juste et naturel d’accepter… Et pourquoi donc pas ? Est-ce que son travail et tous ses risques ne les payaient point largement ? Faut-il l’avouer, elle avait surtout regret des toilettes qu’une ou deux fois elle avait refusées. À qui son refus pouvait-il faire plaisir ? Si elle eût été seule en cause, elle eût laissé jaser le monde. Mais pour une fois, une seule fois, qu’elle avait accepté une robe, simple, jolie, bien coupée, qui la tentait, elle avait eu la malchance de rencontrer Marc. Et de quel regard il l’avait toisée, de la tête aux pieds ! Elle en