Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/278

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colleté avec son avocat, s’il n’eût été tenu par les menottes. Pour mettre fiun à cette dispute, il fallut le faire sortir de la salle.

Le réquisitoire et la plaidoirie parurent, après, sans intérêt. On le rappela pour le jugement. Il ne faisait de doute pour aucun. À l’unanimité, le : Oui : « Coupable », — « en mon âme et conscience ». Sans circonstances atténuantes. La peine de mort.

Simon, tout rouge, mais impassible à la lecture de l’arrêt, darda son œil de braise ardente sur la Cour, les mesura tous à la ronde, férocement, puis il dit :

— « Je n’ai qu’un regret, c’est qu’il n’y ait pas en France une douzaine comme moi, pour vous crever la panse à tous. »

Aussitôt traîné hors du prétoire, il leur hurlait :

— « Assassins !… Je vous jette ma tête. Mangez-la ! »

Le public mugissait avec lui. Il paraissait pris de folie. Jamais spectacle ne l’avait mieux possédé. Le vrai « théâtre du peuple », tant cherché, le voilà ! Au moins, l’on tue, pour de bon ! La meute ne s’y trompe pas : elle sent le sang. Ils aboyaient. Il y avait des femelles, près de tomber en convulsions. Sans rangs de classe. On fraternise. Marc, livide, que Jean-Casimir entraînait, fut agrippé par une Bette méconnaissable, très excitée, qui déversait un flot de mots incohérents, riait, pleurait. À un moment, Jean-Casimir, qui la guettait, l’empoigna, quand elle allait tourner l’œil. Il la fit asseoir sur une marche de l’escalier. Elle ressaisit presque aussitôt le peu qui lui tenait lieu d’esprit. Mais ce fut pour être prise de nausées. Marc n’était pas loin d’en avoir aussi. Ils réussirent à lui faire descendre l’escalier. Mais au bas, dans un angle, elle vomit. Fraternellement, Jean-Casimir lui tenait la tête. Il voulait la reconduire ; mais il ne pouvait lâcher aucun des deux. Il les hissa dans un taxi, et donna l’adresse de Bette. Mais elle