Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 5.djvu/354

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encore un sursaut. Elle s’arrêta, elle l’arrêta en plein boulevard, dans la cohue. Elle lui cria avec colère :

— « Débarrassez-moi de votre fils ! Emportez-le ! »

— « Je serais bien avancée, dit Annette, si vous veniez ensuite le reprendre ! »

— « C’est votre affaire ! Que je ne puisse plus le reprendre ! »

Annette sentait sous sa main frémir l’aisselle de Assia crispée, et contre son flanc le flanc qui frissonnait. Puis, la tension des nerfs se brisa. Elle n’eut plus qu’un paquet mouillé à emporter, lourd et docile, à son bras. Elles rentrèrent. Annette dit à Assia d’aller se changer. Mais Assia avait laissé la clef de sa chambre fermée à l’intérieur. Pour y pénétrer, il fallait passer par la chambre de Marc ; et elle craignait qu’il ne la vît en cet état. Annette la fit entrer dans sa propre chambre, et alla chercher dans celle de Assia le linge de rechange. Assia eût voulu l’en empêcher ; Annette doutait un peu que ce qu’elle allait chercher existât. Elle traversa sur la pointe des pieds la chambre de son fils. Il dormait toujours, comme un bienheureux. Elle s’arrêta un peu, pour le considérer. Il n’avait pas dû faire un mouvement, depuis que Assia l’avait quitté. Annette explora sans bruit le placard moisi de Assia ; la pauvreté des nippes qu’elle y trouva lui fit pitié ; du moins, leur propreté relative témoignait de la ténacité de la lutte livrée, pour tenir le menton levé au-dessus de la boue. Annette s’y connaissait ! Elle revint, trouva Assia, à la même place où elle l’avait laissée, debout, appuyée au mur. Une petite mare s’était formée autour de ses pieds. Annette la prit par une épaule, et lui arracha les vêtements qui collaient au corps. Assia sortit de sa torpeur, pour faire un mouvement brusque de l’épaule au coude, qui la dégagea. Mais la poigne de Anette la reprit :

— « Tenez-vous tranquille !… Levez le bras !… Allons ! Dépêchons-nous !… »