Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/142

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menace de tuer Anissia et sa mère, il sanglote, il supplie :

Ma petite mère, je n’en peux plus !

Il croit entendre crier l’enfant écrasé.

Où me sauver ?…

C’est une scène de Shakespeare. — Moins sauvage et plus poignante encore la variante de l’acte iv, le dialogue de la petite fille et du vieux domestique, qui, seuls dans la maison, la nuit, entendent, devinent le crime qui s’accomplit au dehors.

Enfin, l’expiation volontaire. Nikita, accompagné de son père, le vieux Akim, entre, déchaussé, au milieu d’une noce. Il s’agenouille, il demande pardon à tous, il s’accuse de tous les crimes. Le vieux Akim l’encourage, le regarde avec un sourire de douleur extatique :

Dieu ! oh ! le voilà, Dieu !

Ce qui donne au drame une saveur d’art spéciale, c’est sa langue paysanne.

« J’ai dépouillé mes calepins de notes pour écrire la Puissance des Ténèbres », disait Tolstoï à M. Paul Boyer.

Ces images imprévues, jaillies de l’âme lyrique et railleuse du peuple russe, ont une verve et une vigueur auprès desquelles toutes les images litté-