Page:Rolland Handel.djvu/244

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français entre Lully et Gluck. Sans jamais se départir d’une forme souverainement belle, qui ne fait nulle concession à la foule, elle traduit, en un langage immédiatement accessible à tous, des sentiments que tous peuvent partager.

Ce génial improvisateur, astreint pendant toute une vie, — un demi-siècle de création, — à parler du haut de la scène à de grands publics mêlés, dont il fallait être sur-le-champ compris, était comme ces orateurs antiques, qui avaient le culte de la forme et l’instinct de l’effet immédiat et vivant. Notre époque a perdu le sens de ce type d’art et d’hommes : de purs artistes qui parlent au peuple et pour le peuple, non pour eux seuls et pour quelques confrères. Aujourd’hui, les purs artistes s’enferment chez eux ; et ceux qui parlent au peuple sont le plus souvent des bateleurs. La libre Angleterre du xviiie siècle était, dans une certaine mesure, parente de la République romaine ; et l’éloquence d’un Hændel n’est pas sans rapports avec celle des orateurs épiques, qui faisaient retentir de leurs périodes savantes et passionnées le Forum où s’écrasait la plèbe flâneuse et frémissante. Cette éloquence sut même, à l’occasion, se mêler à l’âme de la nation, comme aux jours de l’invasion jacobite, où Judas Macchabée incarna la patrie. Dès les premières