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du coloris instrumental. Bien différent en cela des Lullystes, qui étaient un peu dédaigneux du pouvoir expressif de l’orchestre et toujours disposés à le sacrifier à la primauté de la voix[1], il croyait, comme son admirateur et commentateur Mattheson, qu’on peut exprimer les sentiments, au moyen du seul orchestre[2]. — Il fut, de plus, un maître du récitatif. On a pu dire qu’il a créé le récitatif allemand. Il y attachait une importance extrême, disant « qu’une expression dans le récitatif donne souvent autant de mal à un compositeur intelligent que l’invention d’un air[3] ». Il cherchait à y noter avec exactitude

  1. « Est-ce l’orchestre qui est le héros ? demande le théoricien du Lullysme, Lecerf de la Viéville. — Non, c’est le chanteur… Eh bien donc, que le chanteur me touche lui-même, et qu’il ne remette pas le soin de me toucher pour lui à l’orchestre, qui n’est là que par grâce et par accident. Si vis me flere… » (Comparaison de la Musique italienne et de la Musique française, 1705.)
  2. « On peut très bien représenter avec de simples instruments, dit Mattheson, la grandeur d’âme, l’amour, la jalousie, etc., et rendre toutes les inclinations du cœur par de simples accords et leur enchaînement sans paroles, — en sorte que l’auditeur puisse saisir et comprendre la marche, le sens, la pensée du discours musical, comme si c’était un véritable discours parlé. » (Die neueste Untersuchung der Singspiele, 1744.)
  3. Préface des Componimenti Musicali de 1706. — Mattheson, renchérissant, disait que, « pour bien composer un seul récit, en tenant compte des sentiments et de la coupe de la phrase, comme faisait Keiser, il fallait plus d’art et d’habileté que pour composer dix airs, d’après la pratique commune ».