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Jamais Hændel, plus grand et plus parfait, n’a eu le naturel exquis qu’on respire dans les mélodies de Keiser, ce frais parfum de la simple fleur des champs[1]. Keiser avait le goût de la chanson populaire et des scènes agrestes[2]. Mais il savait aussi s’élever aux sommets de la tragédie classique ; et certains de ses airs de pompeuse douleur semblent écrits par Hændel[3].

Keiser était donc plein d’enseignements et de modèles pour Hændel, qui ne se fit pas faute de s’en inspirer, par la suite[4]. Mais il lui offrait aussi des exemples fâcheux. Le pire était le reniement de la langue nationale. Tant que Postel et Schott avaient été à la tête de l’Opéra de Hambourg, l’italien avait été tenu à distance[5]. Mais aussitôt que Keiser fut devenu directeur,

  1. Voir, dans Crœsus (1711), l’air d’Elmira avec flûte, qui fait songer à un air analogue d’Écho et Narcisse, de Gluck.
  2. En ce genre, une scène de Crœsus est un petit chef-d’œuvre, dans le style pastoral de la fin du XVIIIe siècle, et presque de Beethoven.
  3. Tel, le chant de Crœsus prisonnier, qui évoque certains airs du Messie.
  4. Je n’en veux citer qu’un exemple : c’est l’air d’Octavia avec deux flûtes douces, Wallet nicht zu laut, une des pages les plus poétiques de Keiser, que Hændel a reprise plusieurs fois, dans ses œuvres, et jusque dans l’Acis et Galatée de 1720.
  5. Postel, qui usait de sept langues dans les prologues de ses libretti, s’opposait à ce mélange dans les œuvres poétiques : « car ce qui fait l’ornement du savant, disait-il, défigure la poésie ».